L’écoute du malentendu

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La haine marche sans voir, mais elle entend tout. Elle avance dans un brouillard épais, les yeux fermés sur la vérité, mais les oreilles grandes ouvertes aux échos du monde. Elle ne distingue ni les couleurs ni les visages, mais elle capte les sons qui la nourrissent : les cris, les reproches, les mots tordus par la peur. Elle se repaît de ces bruits comme d’un festin invisible.

 

Aveugle, elle ne sait pas où elle va. Elle trébuche sur les faits, ignore les gestes tendres, piétine les preuves d’amour. Pourtant, elle écoute. Elle écoute avec une attention féroce, cherchant dans chaque phrase une raison de s’enflammer. Elle entend ce qu’elle veut entendre, amplifie ce qui la conforte, étouffe ce qui pourrait la calmer.

 

La haine, c’est une oreille sans regard. Elle ne voit pas la main qui se tend, mais elle entend le froissement du doute et le transforme en menace. Elle ne voit pas les larmes, mais elle entend le souffle d’un désaccord et le transforme en injure. Elle ne voit pas la beauté du monde, mais elle entend le bruit du monde et le déforme jusqu’à ce qu’il devienne insupportable.

 

Et plus elle écoute, plus elle s’enferme. Elle devient un tambour qui résonne de sa propre fureur, un écho qui se répète sans fin. Elle croit entendre les autres, mais ce qu’elle perçoit, c’est sa propre voix, déformée, amplifiée, déchaînée.

 

Pourtant, il suffirait qu’elle ouvre les yeux. Qu’elle regarde, vraiment. Elle verrait que le monde n’est pas fait d’ennemis, mais de visages, de regards, de mains qui cherchent à comprendre. Elle verrait que le silence n’est pas une menace, mais une promesse. Car la haine, si elle cessait d’écouter pour blesser, pourrait enfin entendre pour guérir.


Publié le 10/11/2025 / 3 lectures
Commentaires
Publié le 10/11/2025
Tellement vrai, les mots choisis... Beau travail
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