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Le froid régnait toujours sur Noréa. Rien ne fondait, rien ne bougeait. Le vent longeait les collines avec un murmure étouffé, comme un chant que l’hiver n’avait pas su éteindre. La glace recouvrait les toits, les routes, les arbres et la rivière, en contrebas du village, dormait sous une épaisse couche de cristal. Pourtant, quelque chose avait changé. Ce n’était pas la lumière, ni le ciel. C’était le regard d’Ysaline.
Elle voyait le monde autrement. Là où il n’y avait que blancheur, elle discernait des reflets bleus, des ombres grises, des nuances d’argent. Le silence ne lui pesait plus autant. Il avait cessé d’être un mur pour devenir un souffle.
Elle descendait souvent du palais, couverte d’un long manteau d’argent, et s’aventurait jusqu’au village. Les habitants la saluaient d’un signe discret, étonnés de la voir marcher parmi eux. Elle n’était plus la princesse figée de jadis, mais une femme qui redécouvrait la vie pas à pas.
Ce matin-là, un éclat attira son regard.
Au bord de la rivière, une femme était agenouillée, un marteau dans les mains. Elle frappait doucement la glace, un coup après l’autre, comme si elle craignait de blesser l’eau. Ses gestes étaient précis, patients. À chaque impact, un son pur résonnait dans l’air, presque musical. Sous la surface, une goutte vibra, puis une autre, comme un cœur qui hésite à battre.
Ysaline s’approcha, fascinée. La femme leva la tête. Ses joues étaient rosies par le froid, mais son regard avait la douceur tranquille de celles qui croient encore.
« Vous êtes la princesse »
« Je le suis encore, je crois » répondit Ysaline.
Un souffle passa entre elles, plus chaud que le vent. La femme reprit son geste sans un mot.
« Je cherche l’eau », dit-elle après un moment. « Elle dort encore, mais je sais qu’elle n’est pas perdue. »
Ysaline sentit quelque chose se serrer dans sa poitrine. Ces mots semblaient lui appartenir. Elle regarda la glace se fendre sous le marteau, un mince filet d’eau s’y glisser, fragile, lumineux. Et dans ce frémissement, elle crut entendre battre son propre cœur.
Un peu plus loin, Liora observait. Sa lumière se mêlait à la brume du matin.
Elle comprit que la guérison commençait là dans ce geste simple, ce coup de marteau sur la glace, cet acte d’espoir qui ne cherche pas à briser, mais à réveiller.
Ysaline se pencha.
« Continuez », murmura-t-elle. « L’eau vous entend. »
La femme leva le marteau une dernière fois. Un éclat de glace tomba, clair comme une note de musique. L’eau affleura enfin, miroitante, libre.
Ysaline sourit. Ce n’était pas encore le printemps. Mais quelque part, entre la glace et le ciel, son cœur venait de respirer.