Il était une fois, dans un village suspendu entre les nuages et les champs de lavande, un jeune homme nommé Sergio. Sa beauté était si éclatante que les miroirs se fissuraient d’admiration, que les rivières ralentissaient leur cours pour contempler son reflet, et que les étoiles, jalouses, brillaient moins fort quand il levait les yeux vers elles.
Mais cette perfection divine cachait un secret… un secret sonore, odorant, et redoutablement explosif. Car Sergio nourrissait une passion sans bornes pour les haricots rouges. Il en mangeait au petit matin, à midi, au crépuscule, et parfois même en cachette sous la lune. Ces petits joyaux écarlates étaient pour lui un trésor… mais aussi une malédiction.
Car après chaque festin, un cataclysme s’abattait sur le village. Les rideaux claquaient, les poules s’évanouissaient, les fleurs se fanaient d’un coup sec, et les villageois, le nez pincé, criaient :
— Cachez-vous ! Sergio a encore dîné de haricots !
Un jour, las d’être un dieu de beauté mais un démon d’odeur, Sergio décida de se rendre au Mur des Mille Vents, un monument ancien bâti par les anciens mages du royaume. On disait que ce mur exauçait les vœux les plus sincères, mais qu’il punissait les imprudents qui troublaient la pureté de leur parole.
La veille de son départ, Sergio voulut se donner du courage. Il prépara un banquet dantesque : marmites fumantes, haricots rouges mijotés dans le vin, galettes croustillantes, purée onctueuse, et même un dessert de haricots confits. Il mangea jusqu’à ce que son ventre ressemble à un tambour prêt à éclater.
Le lendemain, il se présenta devant le mur. Le soleil se levait, les oiseaux chantaient, et une brise légère caressait les pierres anciennes. Sergio posa la main sur la surface et, d’une voix noble, déclama :
— Ô Mur des Mille Vents, je souhaite être délivré à jamais de ces…
Mais à cet instant précis, un grondement monta de ses entrailles. Un premier pet discret, timide, puis un second, plus audacieux, puis un troisième, monumental. Le sol trembla, les arbres se couchèrent, les nuages se dispersèrent. Le mur vibra, s’illumina, et une voix grave résonna :
— Qu’il en soit ainsi, ô souffleur des tempêtes !
Une explosion retentit. Une lumière verte jaillit. Quand la poussière retomba, Sergio avait disparu. À sa place se dressait une immense bonbonne de gaz, dorée, luisante, et légèrement fumante. Sur son flanc, une inscription scintillait.
Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Car depuis ce jour, chaque fois qu’un orage éclate, on entend dans le tonnerre un rire lointain, suivi d’un PFFFFFRRRRRTTTT céleste. Les anciens disent que c’est Sergio, devenu le Dieu des Flatulences, qui veille sur le royaume en soufflant les tempêtes et en parfumant les nuages.
Et parfois, quand un voyageur imprudent s’approche du Mur des Mille Vents, une brise étrange lui caresse le visage, chaude et piquante, accompagnée d’un murmure moqueur :
— Méfie-toi des haricots rouges, petit mortel…