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Le temps s’était ouvert comme une fleur.
La neige, d’abord hésitante, fondait peu à peu, laissant apparaître la terre, l’eau, la vie. Les arbres tendaient leurs branches vers un ciel clair, les oiseaux sifflaient à nouveau, et l’air sentait la mousse et la terre.
Noréa s’éveillait. Dans les jardins du palais, Ysaline marchait pieds nus sur l’herbe fraîche. Le vent lui caressait la peau, elle riait, un rire libre, neuf, qui faisait trembler les feuilles. À ses côtés, Néra avançait lentement, un panier à la main. Elle cueillait des fleurs, les glissait dans ses cheveux, puis dans ceux d’Ysaline. Leurs gestes étaient simples, leurs regards clairs. Il n’y avait plus de crainte, plus de distance. Elles se tenaient la main, parfois sans même y penser. Et dans chaque silence, il y avait de la douceur.
Le royaume, autour d’elles, vibrait à l’unisson.
Un soir, alors que le ciel se teintait d’or, Ysaline sentit un frisson familier. Elle leva les yeux vers la terrasse. La brume s’y déposait et dans cette brume, une silhouette se forma.
Liora. Elle était belle comme le souvenir d’un rêve. Ses ailes diffusaient une lueur apaisée.
Ysaline s’approcha, le cœur tranquille.
« Tu étais là, depuis tout ce temps » murmura-t-elle.
Liora sourit.
« J’étais là tant que tu avais besoin de te souvenir que la lumière existe. Maintenant, tu la portes toi-même. »
Ysaline baissa un instant la tête.
« J’ai encore peur, parfois. Mes cicatrices ne disparaissent pas. Elles me suivent, dans mes gestes, dans mes silences. »
La fée s’approcha un peu plus.
« C’est normal. Les cicatrices ne sont pas des fautes, mais des preuves. Elles ne s’effacent pas, mais elles peuvent devenir belles quand quelqu’un apprend à les regarder sans détourner les yeux. »
Le regard d’Ysaline se tourna vers Néra, restée un peu plus loin, le panier rempli de fleurs.
« Elle les voit. Et pourtant, elle m’aime. »
Liora hocha la tête, émue.
« Alors tu n’as plus besoin de moi. »
Un souffle passa. Le vent souleva un instant la robe de la fée, faisant danser ses ailes dans la lumière du soir.
Ysaline tendit la main, leurs doigts se frôlèrent.
« Merci » dit-elle simplement.
« Merci à toi. Tu m’as rappelé que la foi en l’amour est plus forte que la peur. »
La brume se leva, l’enveloppa et peu à peu, sa lumière se dissipa.
Quand Ysaline rouvrit les yeux, la terrasse était vide. Seule une plume blanche glissait encore dans l’air, dans une lente descente douce comme une respiration.
Elle tendit la main.
La plume y atterrit, légère, tiède, vibrant comme un souvenir qui se dépose sans bruit. Une chaleur délicate se propagea dans sa paume. Elle se retourna.
Néra se tenait là, immobile, mais le regard tourné vers elle, profond, ouvert, tendre. Le soleil déclinant dessinait autour d’elle une auréole dorée.
Ysaline s’approcha, doucement. Chaque pas semblait effacer un peu plus l’hiver.
Arrivée près d’elle, elle glissa la plume dans ses cheveux. Ses doigts effleurèrent la peau de Néra. Ce simple contact fit trembler quelque chose en elle. Ce n’était plus la peur. C’était une chaleur nouvelle, profonde. Néra posa sa main sur celle d’Ysaline, la retint, la serra contre sa joue.
« Tu trembles » murmura-t-elle.
« Je vis » répondit Ysaline.
Leurs fronts se frôlèrent. Leurs souffles se mêlèrent. Le silence entre elles devint un refuge, pas un mur.
Alors elles s’embrassèrent.
Un baiser lent, sûr, tendre.
Un baiser qui ne cherchait rien d’autre que la vérité de l’instant.
Un baiser qui disait enfin ce que leurs doigts, leurs rires timides et leurs silences chuchotaient depuis longtemps.
Dans ce baiser, il y avait la paix.
L’amour.
Et la vie.
Le lendemain, le soleil monta haut dans le ciel. Les fleurs s’ouvrirent sur les collines, les rivières chantaient. Noréa, enfin, connaissait le printemps. Et dans ce royaume rendu à la lumière, deux femmes marchaient côte à côte, heureuses, libres et aimées.
Le mal retourne toujours à celui qui l’a lancé.
Le prince a cru pouvoir détruire impunément.
Il s’est trompé.
Le karma finit toujours par frapper.
Aimer, ce n’est pas souffrir.
Aimer, c’est vivre.
C’est se laisser voir avec ses cicatrices, ses fissures, ses fragilités.
Quand on survit à la violence, on doute de tout, surtout de l’amour.
Pourtant, l’amour vrai existe encore.
Il ne blesse pas.
Il ne domine pas.
Il ne ferme pas les plaies, mais il sait les apaiser.
Il redonne de la couleur au passé.
Et peu importe les corps, les genres, les mots.
L’amour n’a pas de sexe.
Il est lumière, souffle et délivrance.
FIN